L’extérieur
Haranbeltz
Le nom de ce qui est aujourd’hui un quartier du village d’Ostabat, prend tout son sens lorsque l’on se place au sommet de la colline de Soyarce, tout en haut de la clairière que l’on aperçoit depuis l’église. De cette hauteur, on plonge sur le groupe des quatre maisons, plus l’église, au centre d’une clairière, dont il est facile de s’imaginer que, autrefois, elle était la seule clairière au milieu des bois sombres de la vallée qui l’entoure. Cette vallée ( en basque : haran) paraissait si sombre qu’on la qualifia de « noire » ( en basque : beltz) et que cette caractéristique suffit désormais à la nommer.
Le temple pré-roman
Quand on se place sur la route actuelle, on peut voir que la construction du mur côté Est est en deux parties : la partie la plus basse est construite sur le rocher et l’aspect qu’elle présente laisse supposer qu’il s’agit d’une construction pré-romane, dont on ne connaît aujourd’hui aucun élément. C’est sur cette base que s’est édifié le bâtiment actuel, séparé du précédent par un décrochage qui en marque la limite. Certains auteurs pensent qu’un temple païen se dressait là, avant l’église, et que certaines pierres auraient même pu être utilisées pour la construction de l’église, comme on le verra plus tard.
L’Église actuelle
En repartant de la route, pour revenir vers l’entrée de l’église, on trouve, d’abord, la sacristie qui flanque le mur à l’Est. Cette partie a été rajoutée tardivement au bâtiment principal et date du début du XVIIIe siècle. Le bâtiment principal est long de 13 mètres sur 8 mètres de large et comporte des murs de 1,10 mètre d’épaisseur. Les fenêtres plus larges que l’on voit aujourd’hui ont remplacé des fenêtres plus anciennes et beaucoup plus étroites. Au bout du bâtiment, on trouve un clocher de calvaire qui comporte deux baies pour loger des cloches. Un abri de sonneur en bois complète le clocher et donne à l’église une forme et une silhouette si personnelle qu’elle permet à elle seule de la caractériser. Le mauvais état des murs, assez apparent, a justifié la nécessité de travaux importants.
L’hospitalité
Il est habituel de trouver, sur les chemins de St Jacques, des hôpitaux construits quasiment autour du chemin qui y conduit : les routes droites d’origine romaine, traversaient ainsi les bâtiments, comme on peut le voir encore à Sorde-l’Abbaye. Il paraît qu’une visite aérienne du quartier permet de retrouver le passage qui conduit en ligne droite, à mi-pente de la colline de Soyarce jusqu’à l’église d’Haranbeltz. Ce chemin devait donc passer à gauche des maisons. La partie qui semble rajoutée dans le cimetière, et l’annexe plus basse de la maison située derrière, semblent confirmer aussi que le chemin arrivait face à l’entrée actuelle de l’église, traversait le parvis intérieur et ressortait par la porte étroite, aujourd’hui murée, pour continuer, toujours en ligne droite vers le chemin qui s’enfonce dans la forêt. Les autres maisons du hameau étaient mal desservies par ce chemin, et l’époque moderne a préféré faire passer le chemin au milieu des maisons, ce qui est bien compréhensible. Les voies du chemin de St Jacques nécessitaient que les pèlerins puissent trouver gîte et couvert, tout au long de leur route. On trouve dans certains écrits, la mention de 14 hôpitaux à Ostabat, plus deux de soins. Pour les premiers, il s’agit plutôt de maison d’hôtes. Mais l’hôpital d’Haranbeltz était l’un des deux autres qui méritent mieux l’appellation d’hôpital, pour l’accueil et les soins réservés aux pèlerins de passage. La seule trace qui nous reste de cet hôpital est la porte cloutée qui ouvrait sur la salle. Comme dans la plupart des hôpitaux de l’époque, la capacité d’accueil était de l’ordre de trois ou quatre lits. On peut donc imaginer que la levée de terre d’une vingtaine de mètres carrés qui se voit derrière la porte représente la surface de l’hôpital dont Louis Colas dit qu’il était encore visible en 1932.
Une eau-forte réalisée en 1866 par le peintre Odilon Redon témoigne aussi de l’existence de l’hôpital à cette époque. Toujours est-il que, même existant, l’hôpital n’était plus en mesure de recevoir du monde. On a donc aménagé un plancher au-dessus du parvis, pour que des pièces existent. Mais ces travaux ont été accomplis sans porter la moindre attention à l’environnement, ni, en particulier, au tympan de l’église qui se trouve largement obéré.
Les Donats
A l’époque pré-romane (IXe ou Xe siècle), les communautés agricoles réunissaient une dizaines de familles et s’organisaient pour les tâches domestiques. Ils se donnaient le qualificatif de « frères »et « sœurs ». Dans le courant culturel qui a déferlé ensuite, ces communautés ont évolué et sont devenues des communautés de donats. Nés du pèlerinage, et plus généralement, du développement jumelé hospitalier et rural, ils ont joué un rôle primordial et même déterminant dans le fonctionnement des établissements hospitaliers, fondateurs plus qu’il n’y paraît des hôpitaux de St Jacques. Autour d’eux, s’est organisée l’assistance aux pauvres passants et aux pauvres pèlerins, leur clientèle de prédilection. Mais un testament de Lou Eneco, vicomte de Baigorry, évoque un legs en faveur du prieuré de Haranbeltz, dès l’année 1039… Les donats élisaient un prieur pour les diriger. Le mot prieur ne désigne pas quelqu’un qui prie plus que d’autres, mais celui qui a la priorité, en clair, le chef (prior en latin). Celui d’Haranbeltz n’est pas un personnage négligeable. Il a autorité sur les paroisses de Arhansus et Uhart Mixe, et il siège aux États de Basse Navarre. Les prieurs avaient donc la possibilité de se faire enterrer dans plusieurs lieux, selon leur choix, et on a peu de trace d’inhumation de ces personnages qui se sont succédé depuis le XIe siècle jusqu’à la suppression du statut des donats par un Edit du roi Louis XVI à la fin de l’année 1784. Les donats formaient des frères laïcs, qui étaient toutefois soumis à des règlements particuliers et aux vœux traditionnellement prononcés par les communautés religieuses. Il s’agit des trois vœux de chasteté, de pauvreté et d’obéissance. Leur application était pourtant modérée, puisque le vœu de chasteté les obligeait simplement à ne pas se remarier en cas de veuvage ; le vœu de pauvreté ne les empêchait pas d’être riche, mais les empêchait seulement de désigner leurs héritiers qui étaient déterminés par la communauté ; enfin, le vœu d’obéissance, plus classique, les soumettait à l’autorité, par ailleurs nécessaire, du prieur qu’ils avaient élu. Au moment de la Révolution française, l’État Républicain confisque les biens d’Église. Haranbeltz n’échappe pas à la règle. L’État s’empare de l’église et de ce qui reste de l’hôpital d’autant plus facilement qu’il n’y a plus de donats pour les défendre, ni de prieur pour s’y opposer. Mais la République a besoin d’argent, et la possession des biens d’Église ne lui rapporte rien. Elle met donc en vente certains domaines, comme celui d’Haranbeltz. Et le fait marquant de l’histoire du lieu, c’est que les propriétaires des quatre maisons où vivent les derniers représentants des huit siècles passés rachètent à l’État leur propre bien pour la somme de cinq mille livres payées par Arnaud Etcheverry, Arnaud Etchetoa, Jean Salla et Jacques Borda. L’église est donc en propriété indivise et le reste encore aujourd’hui, entre les héritiers des quatre familles, dont certains vivent encore sur place, héritiers de quelque mille ans d’histoire locale. Si cette église parvient jusqu’à nous, après un millénaire d’existence, c’est parce qu’elle est restée propriété privée, et que ses propriétaires sont intervenus, de façon plus ou moins heureuse, selon les cas, pour l’entretenir ou tenter de le faire. Propriété de l’État, elle aurait disparu, comme beaucoup d’autres monuments de cet âge. Son entretien dépasse désormais les possibilités de prise en charge par des familles de particuliers, et l’État doit prendre le relais, pour conserver un tel patrimoine.
Le portail
Selon les auteurs, il date du XIIe ou du XIIIe siècle. C’est, en tout cas, de l’église, la partie la plus ancienne qui soit parvenue jusqu’à nous. Nous disions, au début, que des pierres de l’ancien temple pré-roman avaient pu être utilisées pour la construction de l’église. Sur le montant gauche du portail d’entrée, se trouve une pierre étrange, qui ne peut être que la sculpture d’un visage. Il n’y a aucune raison de la trouver là, sauf à réutiliser des pierres plus anciennes. Certains y voient la représentation du Dieu local Herauscoritze. Mais c’est sans doute aller un peu vite en besogne. Le tympan de l’église est occupé par deux éléments symboliques très importants : un chrisme et une croix. Tout d’abord, le chrisme. C’est un cartouche complexe qui évoque sous trois formes la personne du Christ. Il comporte toutes les lettres, en grec, du mot Christ (Kristos). Le khi qui a la forme d’un x français, puis le rho qui a la forme d’un p français, le iota dans la barre verticale, le sigma en bas de la barre verticale, le théta à droite, le o central et de nouveau le sigma.
Le Christ ainsi nommé se définit comme le début et la fin de toute chose, c’est-à-dire l’alpha et l’oméga (première et dernière lettre de l’alphabet grec), deux lettres que l’on retrouve suspendues à la barre latérale descendante. Il est enfin présenté comme apportant son message universel au monde entier par les branches des rayons qui soutiennent le globe terrestre entourant le dessin. Le chrisme parle donc de Kristos, alpha et omega, ouvert sur le monde entier. Le chrisme est surmonté d’un autre dessin symbolique qui pourrait suggérer une croix de Malte. A la fin du XIe siècle, est créé à Jérusalem l’Ordre Hospitalier de St Jean de Jérusalem qui est ensuite devenu l’Ordre de Malte. Son but est la protection des chrétiens contre les musulmans et plus précisément ici, la protection des pèlerins contre les bandits. Il est parfois confondu avec l’Ordre des Templiers. Ce dernier, créé 20 ans après, au début du XIIe siècle, est d’abord destiné à la police en Terre Sainte. Il devient ensuite l’organisme banquier des pèlerins. Il ne dure que deux cents ans, alors que l’Ordre de Malte existe encore. Certaines donateries adoptent la règle de l’Ordre de St Jean de Jérusalem. C’est donc sans surprise qu’on parle d’une Croix de Malte pour le tympan de l’église d’Haranbeltz. Mais en fait, il s’agit d’une croix grecque de style byzantin qui était le signe de reconnaissance des chrétiens entre eux au premier siècle, (comme la coquille est une signe de reconnaissance entre pèlerins aujourd’hui..) La croix de Malte n’est qu’un dérivé de cette croix qui signifie d’abord, que ce lieu se rattache au christianisme d’origine. Sur la droite, au pied du tympan, se trouve la gravure légère d’une étoile à cinq branches. Il faut peut-être y voir la signature compagnonique de l’auteur du tympan. Mais que dire de ce plancher, sans doute utilitaire, mais qui cache une partie du tympan. Des travaux ont été entrepris, définis, programmés, et financés. Une des réalisations a été d’ouvrir le plancher plancher, autour du tympan pour dégager ce dernier. L’ouverture permet aussi de voir d’en bas comment l’étage est aménagé en appartement. Les travaux ont aussi permis de rendre plus étanche l’abri du sonneur.
L’intérieur
La partie arrière
Comme on vient de le voir en parlant de la réalisation malheureuse du plancher devant le tympan, la partie arrière de la voûte est une réfection tardive sans grand intérêt. L’abri du sonneur a été « bricolé » et se trouve responsable de pénétrations d’eau. La tribune reste solide mais juste fonctionnelle. Cette partie ne fait pas l’objet de commentaires.
Les murs latéraux
Ils sont couverts d’une peinture en faux marbre peu imitative. Les études de la DRAC laissent supposer que les lambris du mur Nord ont été récupérés à partir d’autres lieux et ont été adaptés. Les lambris ont été détériorés par l’eau et par l’usage de l’église au temps de sa fréquentation. L’intention des travaux n’a pas été de refaire les peintures, puisque le résultat dans ce cas, aurait donné une église moderne et non plus la vraie. Il s’est agi d’effectuer un dépoussiérage, opération très délicate. Puis de refixer la peinture existante. Le but a été la sauvegarde et la conservation de l’édifice, et non sa réfection. Les bancs ne sont pas d’origine. Les trous visibles dans les murs de chaque côté servaient à y encastrer les bancs. Et les trous sont situés plus haut que ne le demandent les bancs actuels. Ils sont donc plus récents. Les premiers bancs ont été enlevés sans grande précaution, puisque un rang du mur nord porte encore, encastré, un morceau du banc qui meublait alors l’espace. La chaire a été installée de manière sauvage et sans le moindre respect des peintures qu’elle cache. Son décor en faux marbre est de même inspiration que celui des murs latéraux. La constante du décor est une peinture faux marbre, et sa réalisation est, dans tous les cas, simpliste.
L’autel
Comme souvent, l’autel est constitué d’un cube maçonné entouré d’un coffrage en bois comprenant la pierre d’autel sur la partie supérieure et un bas-relief de St Nicolas sur la partie avant détachable (antependium). La pierre d’autel est encastrée et gravée de cinq croix. Elle contient un réticule encastré censé contenir une relique du saint auquel l’église est dédicacée, ici St Nicolas.
Le bas-relief représente St Nicolas avec ses attributs d’évêque, entouré de deux anges sur fond d’un décor azur comportant un arbre. Sur l’autel, on trouve un tabernacle plutôt récent (milieu du XVIIIe). Avant travaux son décor était cloqué du fait de la chaleur provenant des bougies posées trop près.Sur la porte centrale, l’or est recouvert d’une laque altérée avec étoiles et fleurs de lys. La nappe d’autel n’est visible que lors des cérémonies. Deux petites statues sont posées, une de chaque côté du tabernacle, et représentent l’une St Jean Baptiste et l’autre St Pierre portant les clés du Paradis.
Saint Nicolas
Saint Nicolas vécut à la fin du IIIe siècle et dans la première partie du IVe. Il fut emprisonné dans le cadre de la répression que l’Empereur Dioclétien lança contre les chrétiens au début du IVe siècle. Libéré par la politique favorable au christianisme instaurée par l’Empereur Constantin 1er, il devient évêque de Myre, en Lycie (aujourd’hui, la Turquie). Cette ville s’appelle aujourd’hui Demré, où Myre est devenu le quartier de Kale. Saint Nicolas assista peut-être au Concile de Nicée (325 ), convoqué par Constantin, où fut défini le texte du Credo que les fidèles récitent à la messe dominicale. Ayant hérité de ses riches parents, la légende raconte qu’il jetait, la nuit, des bourses d’or dans le jardin d’un homme pauvre qui put ainsi éviter de livrer ses filles à la débauche, et leur préparer un mariage digne d’elles. Sa réputation se développa et les légendes lui attribuent le sauvetage de marins, la distribution miraculeuse de blé à des populations en famine, le double sauvetage de trois diplomates piégés, le transfert de ses reliques à Bari, en Italie, la conversion de juifs, la libération ou la résurrection de plusieurs enfants ou jeunes gens. Il annonça l’évangile dans une région qui pratiquait un culte à la déesse Diane, sous la forme d’un arbre que les habitants adoraient. Il fit couper l’arbre en question et sa prédication ramena les populations au christianisme. C’est peut-être cet épisode qui justifie la présence d’un arbre dans le décor des bas-reliefs consacrés à St Nicolas dans l’église d’Haranbeltz. Sa nomination en tant qu’évêque aussi est légendaire : après la mort de l’évêque de Myre, une voix mystérieuse prescrivit à un évêque turc de consacrer évêque le premier homme qui entrerait dans une certaine église. Le jeune Nicolas entra et fut installé sur le trône épiscopal vacant. Mais la légende la plus connue est celle des trois enfants : trois enfants étaient partis travailler aux champs. Ils étaient si fatigués qu’ils n’ont pas retrouvé leur route, le soir venu. Perdus dans les bois, ils frappent à la porte d’une ferme. Un ogre leur ouvre et les tue. Il les découpe en morceaux pour les manger, plus tard, et met les morceaux dans un saloir pour les conserver. Un jour, St Nicolas passe par là, et demande à être logé. Il s’arrête dans la maison de l’ogre et demande à manger. L’ogre lui fait plusieurs propositions que St Nicolas refuse. Ce dernier demande enfin les morceaux qui sont dans le saloir. A ces mots, l’ogre perd la tête et s’enfuit. St Nicolas s’approche du saloir et ressuscite les trois enfants qui purent repartir chez eux sains et saufs. Cette légende a été très répandue. On en trouve plusieurs versions. Il y a même des chansons d’enfants qui ont été composées et circulent depuis longtemps dans plusieurs pays du monde. Cette légende fit de St Nicolas l’ami des enfants. Son vêtement rouge d’évêque, la date de sa fête (6 décembre), et cette réputation est à l’origine de la légende de Santa Klaus, dans le nord-est de la France, ce personnage qui vient offrir des cadeaux aux gentils enfants, en compagnie du Père Fouettard qui punit les vilains. C’est cet ensemble de légendes qui est à l’origine du Père Noël, personnage habillé de rouge et qui vient avec des cadeaux, en décembre.
Le retable
La partie centrale s’appuie sur le mur est. Elle est limitée par deux colonnes torses, décorées de pampres aux feuilles dorées, et bordées de frises de fleurs. On nous a fait remarquer que ces colonnes ressemblent, toutes proportions gardées, à celles de St Pierre de Rome. Il est vrai que les mouvements de personnes (pèlerins, par exemple) ont permis de faire circuler les idées, les légendes, et aussi les arts.
Le tableau principal reprend l’évocation de la légende des trois enfants. On les voit sortir du saloir, devant St Nicolas, avec comme décor un arbre évoquant les anciens dieux déchus. Les services culturels de l’Etat pensent que ce bas-relief n’est pas une œuvre originale du retable. Sa hauteur est très inférieure à l’espace disponible et la pièce de bois qui complète le bas n’appartient pas au retable. Nos recherches ont permis la découverte de la facture du retable qui est datée du 8 juin 1736. Au-dessus du bas-relief, une colombe ajoutée représente la première personne de la Trinité. Juste au-dessus, un Christ en croix, un peu tassé dans l’espace disponible, en est la deuxième personne. Pour trouver la troisième personne, Dieu le Père, il faut chercher sur un autre plan, un plan horizontal, puisque cette représentation se situe sur la voûte, avec un Dieu pancreator dans un cercle bordé de lauriers. La présence du soleil et de la lune autour de Dieu le père signifie qu’il est créateur du ciel et de la terre, donc de l’univers entier, ce qui est le sens de « pancreator ». Les autres parties du retable pourraient être d’époques diverses, tant ils paraissent disparates. Ils ont pu compléter le retable, au fur et à mesure de la croissance de la prospérité du prieuré. Signalons, à gauche, une statue de la Vierge au-dessus d’un autel latéral qui lui est consacré. Des tests ont été effectués sur les plis de la robe de la Vierge. On y a exercé les opérations prévues pour la conservation des peintures de l’église. A droite, une statue de St Jacques, qui avait perdu sa main et son bourdon. On a retrouvé et reposé la main. On a aussi créé un bourdon nouveau et à sa taille, puisque le précédent n’a pas été retrouvé. A droite, adossé sur le mur Sud, on trouve le siège du célébrant et de ses deux acolytes. Au-dessus une des fenêtres d’origine. Il faut bien reconnaître que la lumière dispensée par ce type d’ouverture ne pouvait pas être suffisante. Mais est-ce une raison pour pratiquer d’autres ouvertures de façon aussi sauvage ? Notons aussi, au pied de l’escalier supposé de la chaire, un coffre en bois inséré dans le mur. Ce coffre a été détruit et reconstitué, car il a été attaqué par les termites. En revanche, il est étonnant que ces termites n’aient attaqué aucune autre partie de l’église qui est restée saine, sur ce plan-là.
Le plafond
Il semble que la décoration initiale du plafond (fin XVIe) était un fond bleu parsemé d’étoiles. Une petite partie de ce décor se retrouve dans l’arc de la fenêtre latérale du mur Nord. Il est possible que ce décor originel se poursuivait sur le mur est sur lequel s’appuie le retable. Pourtant, peu après, un deuxième décor a été refait sur le premier. C’est un décor en fausse brique rouge avec des joints blancs, assez étrange comme décor d’une voûte. Quatre bandes diagonales ocre jaune veulent représenter les arêtes de la voûte. Cette deuxième version a respecté les figurations antérieures de Dieu le Père. De la voûte pend un système réglable de lumière, rappelant les lustres réglables qu’on rencontrait dans les cuisines du début du siècle. C’est un élément relativement récent.
Les peintures en pied de voûte
Huit peintures se situent en pied de voûte, quatre de chaque coté. Au plus prés du chœur, on trouve St Paul à droite avec le Livre de la Parole, et St Pierre à gauche, portant les clés qui le caractérisent. Ce sont les deux piliers de l’Église, l’un désigné comme tel par le Christ, l’autre l’apôtre qui a universalisé l’enseignement de l’Église naissante aux quatre coins du monde. Suivent ensuite les quatre évangélistes, St Matthieu et St Marc à droite, St Luc et St Jean à gauche. St Marc et St Jean ont eu leur image tronquée lors du malheureux percement de deux baies vitrées pour donner de la lumière à l’intérieur. Enfin, à la limite du chœur et de la nef, deux autres peintures représentent deux Saints. A droite, St Michel, symbole de la contre-réforme, d’abord massacré derrière la coiffe de la chaire, est désormais dégagé et visible : c’est l’occasion de rappeler que, même si ce n’est pas le personnage représenté, un saint Michel local est né à quelques vingt kilomètres d’ici, à St Just-Ibarre et qui se nommait Michel Garicoitz. A gauche, c’est un pèlerin à grand chapeau orné d’une coquille. Mais ce n’est pas St Jacques. Le personnage porte une plaie sur la cuisse, et l’ange qui le visite et lui porte de l’eau porte la main sur la plaie pour la guérir. Il s’agit de St Roch. Pèlerin du début du XIVe siècle, il a effectué des pèlerinages et s’est préoccupé des soins à donner aux lépreux. Ayant lui-même contracté la lèpre au cours d’un pèlerinage, il s’est retiré pour mourir à l’écart. La légende raconte qu’un ange venait lui porter de l’eau dans sa retraite, et qu’un chien accompagnait l’ange, en lui portant une miche de pain. Ainsi donc, quand on voit un pèlerin ressemblant à St Jacques, avec une plaie à la jambe, et accompagné d’un ange et d’un chien, il s’agit de St Roch. Ici, la cruche d’eau et le chien avec le pain ne sont plus visibles. Ils devaient se trouver peints sur la planche du bas qui a disparu, et a été remplacée par une planche de bois brut. La représentation de St Roch est rare au pays basque. On ne connaît que celle-ci et celle du retable de l’église de St-Jean-de-Luz.
La sacristie
Elle renferme une partie de l’exposition des photos. On y voit des ornements sacerdotaux et quelques pièces liturgiques, ainsi qu’une vitrine d’exposition. Au-dessus de sa porte d’entrée, est fixé un pélican, qui se mange les entrailles pour donner à manger à ses deux petits. C’est un symbole du Christ qui donne sa vie pour les hommes. On retrouve une similitude entre le décor de l’autel de la Vierge et les décors de cette zone.
Le bas-relief de la Vierge
Cette œuvre est une des plus intéressantes de l’église d’Haranbeltz. C’est une œuvre d’une origine qui semble romane : en effet, dans le style roman, la Vierge et l’Enfant regardent tous les deux devant eux, les proportions corporelles sont plus ou moins réalistes et la Vierge ne sourit pas. Dans les Vierges gothiques, la Vierge et l’Enfant se regardent, les proportions sont réalistes et la Vierge sourit. On est convaincu que ce bas-relief est originaire de la région, puisque la Vierge est assise sur un coffre typiquement basque. Des spécialistes de la DRAC nous disent qu’ils retrouvent les mêmes caractéristiques de travail que sur le bas-relief de St Nicolas et qu’un même auteur aurait réalisé les deux œuvres. Dans ce cas, ce tableau aurait été récupéré dans une autre église dépendante d’Haranbeltz et adapté ici. Ceci pourrait expliquer que le tableau de la Vierge a été fixé dans un endroit aussi étrange qu’en partie basse de l’entrée du chœur. Vérification faite, ces tableaux sont du milieu du XVIIIe siècle, mais l’auteur les a réalisés « à la façon du » XIIIe. Il reste une des pièces les plus appréciées et les plus commentées de cette église.
Les sépultures des prieurs
Nous l’avons dit, le prieuré d’Haranbeltz se situait dans un système hiérarchique. Il dépendait, selon les époques, de communautés plus importantes, et il était aussi chef de file d’autres communautés plus réduites. Les prieurs avaient donc un certain choix pour le lieu de leur inhumation, au cours des siècles. Deux d’entre eux, seulement, ont été enterrés dans la nef de l’église, qui conserve les dalles témoignant de leur inhumation. La première est celle de Jacques d’Uhart. Son oncle Pierre d’Uhart nous est plus connu. Prieur de 1624 à 1677, il invita les frères donats à élire comme successeur son neveu Jacques. Ce dernier était élu prieur le 13 février 1677 par Joannes de Borda, Charles d’Etcheverry et Arnaud d’Etcheto. Il repose désormais sous la première dalle de la nef. La deuxième pierre tombale porte l’inscription d’un prieur originaire de la maison Borda. Jacques de Borda fonda par testament (3 mars 1751) une bourse de séminariste en faveur d’un enfant héritier de Borda, ou, à défaut, d’une autre famille de la donaterie. Par le même écrit, il léguait en échange à l’abbé Daguerre, supérieur du Petit Séminaire de Larressore, une certaine maison Cabana avec ses terres, vignes et bois de chauffage, et des rentes. Dès que l’enfant arrivait à la prêtrise, un autre élève était recruté pour suivre ses études. En 1757, le prieur d’Utziat reconnaît que son prieuré ne sert plus à l’accueil des pèlerins dont le flot est tari. Il sécularise les donats et les relève de leurs vœux. Il en est peut-être de même à Haranbeltz. Le titre de prieur se maintient jusqu’en 1784 où il est supprimé par un Édit de Louis XVI. Ainsi donc, Jacques de Borda, décédé le 12 septembre 1760, est l’antépénultième prieur d’Haranbeltz.
Le baptistère
Sur le mur Sud, à l’aplomb de la tribune et à droite, on remarque les deux petits panneaux d’une armoire insérée dans l’épaisseur du mur. Derrière ces panneaux, un peu barbouillés de rouge, se cache le baptistère. C’est un monolithe, remarquablement taillé et égalisé, posé sur un réceptacle lui aussi en pierre. Le bloc de pierre est suffisamment creusé pour permettre de pratiquer un baptême par immersion, et non un baptême par ondoiement, aujourd’hui plus habituel.
Les cérémonies
Plusieurs manifestations ont lieu dans l’église d’Haranbeltz. L’été 2006, une troupe de théâtre dont les acteurs suivaient la route de Compostelle, a joué dans l’église la pièce de Paul Claudel : « L’annonce faite à Marie ». Malgré la capacité réduite de l’édifice, près de 90 personnes ont apprécié le spectacle. D’autres animations pourraient suivre cet exemple (concerts du groupe Perruketak et d’Anne Etchegoyen les 17 juillet et 24 août 2007). Chaque année, au moment de la fête de la St Nicolas, une messe est dite en public, le dimanche le plus proche du 6 décembre. En 2004, le desservant local a présidé cette cérémonie. En 2005, la messe a été célébrée par André Saint-Esteben, vicaire général à Pau. En 2006, ce fut au tour de Mgr Molères, évêque de Bayonne d’honorer l’église de sa présence. La cérémonie fut, d’ailleurs retransmise par une radio basque.
Les travaux
Le budget mis en œuvre pour ce programme de sauvegarde est relativement important, du fait non seulement du mauvais état de l’ensemble, mais aussi de la richesse du décor intérieur. La première urgence fut la stabilisation des maçonneries et leur mise hors d’eau. La deuxième urgence a concerné la charpente, la toiture et la voûte. La troisième a vu la restauration du bâtiment Ouest et du clocher. La dernière a traité les peintures intérieures. L’ensemble, avec l’installation du chantier et les honoraires correspondants, a été chiffré d’abord, autour de 420 000 euros, mais a atteint en fin de course un montant de près de 503 000 euros. Un contrat a été établi entres les divers participants et l’État permettant le financement du projet dans les proportions suivantes :
- 50% à la charge de l’État
- 25% à la charge du Conseil Régional d’Aquitaine
- 10% à la charge du Conseil Général des Pyrénées Atlantiques
- 10% à la charge des collectivités locales (Communauté de communes, ville d’Ostabat)
- 5% à la charge de l’Association des Amis d’Haranbeltz, constituée à cette occasion.
Les travaux ont été répartis en trois tranches et se sont étalés sur les années 2008, 2009 et 2010. Chaque tranche a donné lieu à un contrat d’engagement de chaque partie. L’association des Amis d’Haranbeltz est composée, pour l’instant, de 5 membres issus et représentant des familles propriétaires, et de 2 membres extérieurs à la copropriété. Les visites sont ouvertes au public depuis plusieurs années, mais de façon plus organisée et plus générale depuis 2005. D’abord limitées au samedi matin en période estivale, les visites se font désormais dans des horaires quotidiens plus encadrés. La question se pose de connaître les conditions dans lesquelles les visites pourront se perpétuer dans le temps. Il reste évident que les dons recueillis à l’occasion des visites, sont une part significative du financement de la part associative du budget. Jean-Pierre Brisset
Je viens de visiter et photographier San Nicolas d’Haranbeltz.
Absolument intéresant la maniére dont on a gardé l’esprit avec la restauration.
Merçi de l’avoir fait comme ça.
Un endroit et une construction Magnifiques, à connaître, et à qui je souhaite la meilleur des continuités possibles,
Merci pour votre dévotion à travers cette association, ainsi que ce beau site,
Belle journée,
David,